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06/03/2024

« Prendre soin de l’ensemble du vivant dont nous faisons partie »



« Il y avait des interrogations, surtout du côté de ma mère, sur la dangerosité des phytosanitaires, l’évolution des modèles, la santé… », déclare Gilles Simonneaux, l’agriculteur aux mille projets. Et c'est avec sa mère qu'il a repris et transformé la ferme familiale. Parce qu'elle  est un symbole en ce 8 mars, nous avons demandé à cette mère, à cette femme, Marie-Odile Simonneaux, où s'enracine ce qui lui tient à cœur.

« Prendre soin de l’ensemble du vivant dont nous faisons partie »
« Qu’est-ce qui me tient à cœur ?

Sans hésiter, je réponds : prendre soins de l’ensemble du vivant dont nous faisons partie.

Je me suis imprégnée inconsciemment depuis mon enfance. Mes parents paysans, avec une fibre d’artistes, s’engageaient dans le social tout en travaillant la terre avec soin, courage et passion.

Personnellement, ma conscience s’éclaire à la suite de deux évènements qui ont changé le cours de ma vie.

En 1961, avec Pierre mon mari, nous reprenons la ferme de ses parents en pleine "révolution verte". De nombreuses réunions nous enseignent les nouvelles règles de productions : utilisation des engrais de synthèse, semences hybrides, pesticides, concentration des cultures, concentration des animaux, arrachage des haies …

En 1971, en voyageant, je découvre une haie sauvegardée totalement noire ! Le désherbant a détruit cette précieuse biodiversité … Je suis touchée, interrogative : quel risque pour la nature ; pour nous même ?

En 1972, l’un de nos enfants présente des symptômes de leucémie. Je suis bouleversée. Immédiatement, je décide d’arrêter les produits de synthèse dans notre jardin. Mais j’ai tout à apprendre des lois du vivant.

Mes 5 sens se déploient. La lecture, les réunions, les rencontres, l’expérience m’éclairent sur cette juste relation avec la Terre. Je découvre sa complexité, sa fragilité, ses besoins, sa générosité. Je suis émerveillée. Toute la famille est à l’école de la Terre.

Mais que se passe-t-il donc dans les 15 premiers centimètres du sol à l’abri des regards ? De petits "ingénieurs" : insectes, vers de terre, champignons, microorganismes s’activent par milliers comme des "cuisiniers". Ils préparent les nutriments pour nourrir le végétal en autonomie. C’est juste une performance du vivant et aussi en économie, en santé pour le climat, le sol, l’air, l’eau. Politiques, producteurs, consommateurs, quand allons-nous envisager l’agroécologie pour prendre soin du vivant ?

« La question : quelle est ma Relation avec la Terre ?  »

Toute cette compréhension me renvoie à moi-même. Je suis aussi une Terre à défricher, à comprendre, à préserver pour permettre la germination des graines uniques que chacun porte en soi.

Ce parcours de recherches creuse un sillon extraordinaire, m’ouvre des portes vers des personnes ressources qui nourrissent mon "jardin intérieur". Je ne peux garder ces savoirs pour moi seule ; ils me réjouissent tellement le cœur.

Je propose des rencontres à la ferme pour les enseignants et tout public sur la Terre – l’air – l’eau – le feu. Je reçois des scientifiques pour les connaissances, des artistes pour le symbole, et des praticiens pour le savoir-faire. Cette approche globale, triangulaire, nourrit l’esprit, le cœur et l’âme. Les participants sont enthousiastes. Cette approche est thérapeutique.

Aujourd’hui je poursuis ce partage avec le support de 4 toiles et la question : quelle est ma Relation avec la Terre ? Ce sont des moments uniques qui suscitent des questions profondes, qui sollicitent la confiance en soi, la coopération, la responsabilité, la gratitude …

Un écrivain, Eloi Leclerc, franciscain, philosophe, nous dit : « L’harmonie intérieure de l’Être ne peut se réaliser sans une harmonie profonde et réelle avec la nature ». Il nous parle aussi de la fraternité de François d’Assise avec les Êtres ; avec les éléments : frère soleil, sœur eau, frère vent et notre mère la Terre.

Mais au 21ème siècle, comment entretenons-nous la Fraternité humaine, écologique ; quelle conscience en avons-nous ? Comment la restaurer ?

Je pense entre autres à la place des femmes qui peinent à vivre pleinement. Elle est essentielle comme d’ailleurs celle des hommes dans un respect mutuel.

Je ne le sens pas comme un parcours du Combattant mais comme une volonté commune, une réflexion de vivre chacun dans la reconnaissance de l’autre, de ses valeurs avec bienveillance et confiance en soi.

Dans le milieu agricole, ce n’était pas facile de trouver sa place. Ma santé me limitait professionnellement avec la double peine du jugement des autres ! Un jour, je me suis dit : "Stop, pas de comparaison, tu t’acceptes avec tes limites." Cela était une première libération. Une autre fois, un commercial arrive à la ferme. Comme d’habitude, il demande à rencontrer mon mari. Je lui demande à quel sujet ? Je vois que je suis également concernée, et lui dit : "je vous reçois". Une seconde interloqué, il accepte. Cela m’a permis d’assurer conjointement mon rôle avec mon mari.

Mon sentiment, mon expérience personnelle m’incitent à développer la confiance en soi, à développer mes compétences, à connaître mes limites et à les assumer. J’en déduis qu’il ne faut pas attendre que l’on nous donne notre place, mais de choisir de la prendre soi-même. Je me réenracine, je reprends mon souffle et retrouve le sens de ma vie. »

Marie-Odile Simonneaux



L'enquête des lecteurs


"Les gens qui ne sont rien"
Dans ce voyage, un reporter fait partager le meilleur de ses rencontres. Femmes et hommes  de  toutes contrées, des cités de l’Ouest de la France aux villes et villages d’Afghanistan, d’Algérie, du Sahel, du Rwanda, de l’Inde ou du Brésil, qui déploient un courage et une ingéniosité infinis pour faire face à la misère, aux guerres et aux injustices d’un monde impitoyable. 280 pages. 15 €.

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